Ruralités d’Hortense Raynal, les carnets du dessert de lune

« Du tracteur au tramway
Du tramway aux satellites
Et nous voilà ici
Mais qui sommes-nous pour écrire la vie ? »

On en vient et on y retourne à la campagne avec ses noms de lieux qui claquent au vent et le temps qu’on
voit passer toujours en couleur, avec la nature inventée, façonnée par le labeur incessant des bras et des  machines… La campagne c’est une photo que même nette elle est floue parce qu’« on sait qu’au fond de la vallée se passent des choses qu’on ne sait pas ». La campagne est mystère et la terre mange l’eau.

Ici tout est toujours à refaire. Sisyphe est modèle. Seules l’odeur et les saveurs demeurent. Ce qui se dit ressemble à ce qui se mange, le crévindiou macarel et les châtaignes tartes aux pommes. C’est de l’enfance qui ne se voit pas vieillir, la cabane aux brebis, la solitude, et comme partout, ce besoin de tendresse. Ce sont des bêtes au quotidien et la conscience parfois d’un quotidien de bête « jusqu’à la dernière ligne du vivre. »

Et oui, c’est de la vie où le temps fait des boucles. Les filles seront bonnes à tout faire chez les bourgeois du bourg ou de la ville. Elles écrivent sur des cahiers d’écolier des recettes de cuisine paléolithique et mettent un mouchoir parfumé à la lavande, quelques pièces, un billet soigneusement plié, deux bonbons à la menthe et une part de rêve dans un sac à main pour traverser la rue. Elles n’entrent pas dans les cafés où coule le vin clairet dans des gosiers avides tout près de « la matière organique qui grouille ».

C’est bien cette matière que malaxe Hortense, la paille et le foin, le fumier, la terre et les mots de la cuisine salle à manger (il n’y a pas de salon ici) reflétés sur la ligne des collines, on sait qu’elle vient de là, d’une sauvagerie rugueuse et familière, qu’elle y retourne en langue fertile avec un chien qui suit. Simplement. Alors « on va dehors on met les bottes ça suffit d’écrire. »