Le poisson rouge du train
Un jour, j’ai voyagé en train en face d’un poisson rouge dans son bocal.
Posé sur la tablette devant sa jeune propriétaire, malgré l’eau tressaillant sous les secousses, le poisson rouge ne semblait pas perturbé dans ses habitudes. Inséré dans le déplacement rectiligne à grande vitesse, il tournait circulairement, indifférent aux mouvements sur lignes terrestres, aux remous aquatiques, comme protégé par son double vitrage – le bocal et la vitre du train-qui reflétait l’évolution oblique de pure transparence de l’éventail orange de sa queue, les virages adoucis par la courbe de l’aquarium réfléchie en biais.
Au centre de petits galets de verre vert, une algue violette en plastique tremblait au fond du bocal, le poisson voyageur virevoltait autour d’elle avec grâce.
Ne serions-nous pas tous d’insouciants poissons dans notre bocal respectif, emportés dans un train à grande vitesse vers une destination dont nous ne savons pas grand-chose ?
Tout en continuant de suivre l’insolite nageur ferroviaire dans sa piscine miniature, j’ai repensé à une phrase de Malraux:   « Pour voir l’extérieur d’un aquarium, mieux vaut n’être pas poisson. »