« L’année du pied-de-biche » de Florentine Rey, le Castor Astral
https://www.castorastral.com/livre/lannee-du-pied-de-biche/
Les poèmes de Florentine me font penser à des noix. On les ouvre avec un pied-de-biche et on est sûr qu’il y a de quoi bouffer à l’intérieur, des tas de trucs végétaux et charnus aux goûts surprenants.
« On mange léger le soir // On ne mange pas de bœuf / On ne mange pas d’œufs / On mange des petites filles ».
Les poèmes de Florentine me rappellent certains lointains cours de fac ou quelques bouquins jalons ou des films au contact desquels je me suis senti, pauvre couillon, en train de devenir moins con.
« Dans ma tête on ne trouve rien // Pensées-poupées mises en vitrine : / on peut faire collection // Dans ma tête un soulier / à ressemeler d’urgence / pour échapper / au décervelage ».
Ils me font aussi penser à des œufs qu’on casse avec un pied-de-biche pour faire une omelette ou une brouillade mais des fois il y a des poussins qui se sauvent à la place du jaune.
« Je serre un glaçon dans mon poing / Ma chaleur le dégèle et j’ai mal // J’ouvre la main // Dans ma paume un ours blanc se dresse / et crie sa soif ».
D’autres fois, les poèmes de Florentine sont comme un tableau de Magritte « Je pense trop à toi // Je te remplace / par une saucisse… » ou de Dali « Je traîne en haut du paysage / le défi : ne pas fondre… » ou une leçon d’économie politique : «Pauvre et Riche sont en démocratie // Riche convainc Pauvre de son impuissance / Que reste-t-il ? // La paix sociale // Plus pour longtemps », et peut-être, mais là c’est moi qui imagine parce que voyez-vous la poésie ça sert à ça aussi, avec le pied-de-biche Pauvre va défoncer la porte de Riche et lui reprendre le pognon que cet empaffé lui a piqué et si c’est un Pauvre un peu susceptible et rancunier, il va aussi lui défoncer la tronche à Riche. Bref les poèmes de Florentine trempent leurs vers dans le réel et font rêver aux jours heureux de la victoire du communisme sur le capital, « Une vie d’impasses / Que faire au fond ? // Des ronds points » et « Entre deux rêves / Je pisse (beaucoup) / Je fume (faux) / Je bois (faux) / Je mange du sucre / Je fais l’amour / J’écris (laborieusement) / Je me rendors (souvent) ».
Parce que la révolution passe aussi entre les draps des faux-semblants.