« Selon les conditions imposées par le soleil » de Maxime Sacchetto, éd. Gros Textes
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Ben oui, c’est qu’on ne choisit pas les conditions, on nous les impose. Et quand c’est le soleil, là tu peux rien, c’est lui qui décide, on va pas en faire tout un foin. Ceci posé, pas la peine de monter le chauffage, on picole un peu, on fume, on écoute de la musique avec des copains, des copines, ou bien tout seul, on achète des bricoles, on passe le temps quoi… On aime les marges, on cultive la révolte pour le style, on écrit un poème de temps en temps, sans trop se prendre la tête, on écrit des choses pas compliquées, qui coulent bien comme des larmes sur la joue même « scotchés à la rétine ». On cherche la simplicité, le regard clair, « On se regarde droit / dans les yeux / on fait l’amour et / on dort ». On sait bien que les bonnes choses ont une fin. La vie passe son temps à construire des trucs et démolir ce qu’elle vient juste de construire, c’est un peu con la vie des fois, et nous on a tendance à oublier ce qui était là avant la démolition. Alors on écrit pour tenter de se rappeler. Sinon on se dit que c’est pas grave si on a oublié. On va s’enfiler encore quelques bières, un film ou un bouquin pour sécher les plaies, colmater la faille, alléger le vide, adoucir l’amertume. On a toujours un visage en mémoire, une forme obsédante mais menacée aussi d’évaporation, de condensation et de liquéfaction, et c’est l’averse, il pleut parfois plus que de raison dans nos vies. Mais ça n’empêche pas d’exister, de fumer un joint, boire un café, causer politique ou littérature, jouer aux cartes, non ça n’empêche rien la pluie sur les visages. Et le printemps revient toujours comme un étourdi qui a oublié de fermer le gaz. Notre civilisation s’effondre, nous voyons sous nos yeux des sociétés en voie de fascisation et on salue d’un sourire la voisine sur son balcon. On dit des bêtises, on dit aux gens que tout va bien et en plus, ben tu vas pas me croire, c’est vrai ! Tout va bien !
« pas grand monde dans le parc / de valency / je m’assieds sur un banc / regarde au loin les gosses / qui jouent les vieux / qui déambulent / ça pourrait être pire / et puis je pense à toi / à toutes les choses passées / caprice de la mémoire / mais cette fois / je n’ai plus vraiment mal / le plus dur est passé / le soleil se donne à voir / et je dois dire / j’aimerais que tu le saches / que tout n’était pas vain / que je suis rempli de gratitude / que je ne regrette rien / j’aimerais que tu le saches »