Le soleil en miettes de Jean Féron, éditions des Lisières.
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Ici, c’est le temps qu’on place au centre avec ce soleil qui fait des ronds de saisons et laisse en tournant des miettes qu’on ramasse au creux de la main d’un geste simple et doux. Ici, c’est le temps qui file tranquille en laissant derrière lui des images-temps qui le contredisent, qui l’arrêtent et le figent.
Au début le tournesol s’est évadé, il ne tourne plus avec le soleil, il fait de l’auto-stop et on l’embarque. Va faire quelque chose avec ça… Ici, les haïkus sont des images-temps, de petites vignettes comme les bons points des enfances scolaires d’antan. La durée abolie, le bouvreuil se balade mains dans les poches, l’empreinte d’une patte reste dans le ciment du moment d’il y a des ans et des ans, on ne compte plus, on ne compte pas, on est suspendu à ce qu’on peine à nommer, ce qui se dérobe là sous nos yeux, qu’on attrape un peu : « Au sommet de la colline / un troupeau de vaches / broute les nuages. » Quelque chose a disparu, quelque chose a changé, quelque chose s’est renversé. Il n’y a plus de départs, ni d’arrivées, le soleil en miettes, on va le raccommoder avec ce qu’on a sous la main, un regard sur les choses, sur la terre collée aux roues du tracteur qui prolonge un temps le champs sur la route, sur la vie qui se décolle du temps et tire la fermeture éclair de la nuit, cette nuit qui nous fait voyants de subtiles mélodies. On passe alors un bon moment au clair de lune, parmi les éléments légers : « Sur chaque goutte / de rosée / les lèvres du ciel. » On est bien ici, à ramasser au jardin cet humble trésor de miettes, de papillons bleus et de rusés et facétieux pissenlits qui refleurissent sitôt la tondeuse du sérieux passée.