Aux origines de la photo

C’est vous, il m’a semblé sentir votre présence
dans la ruelle trouble de nos chambres noires
où nous cherchions une impossible mise au point
la lumière pâle des lampes presque éteintes
sur ces négatifs de photos en des temps où
les photos se révélaient à l’envers des murs
comme des mots retenus sur des bouches closes
qui s’en iront pourrir dans la boue des étangs.

Comme si vos messages avaient mis un masque
sur la terrible banalité des douleurs.
Nous serions sur un pont, un voile révolu
la vague de Venise, du verre dépoli
belles pierres, barcaroles dans le viseur
des soupirs, des aveux, l’éclatante lumière
d’une gare, on revêt le veston de l’absent
sur le ponton papier sensible des naufrages.

On tente de se placer tous sur la photo.
Je voudrais ramasser à vos lèvres l’éclat
que l’on ne verra plus, les couleurs qui s’éclipsent
les rires en grelots devant le fond de scène
avant que tombe le rideau, l’heure d’aller
fendre les bûches pour que le feu brûle enfin
brûle encore au foyer des albums oubliés
dans les douces blessures qu’invente la nuit.