On se souvient de Francis Giauque, qu’il aimait le jazz, le flamenco et les quais de gare. On sait aussi que sa vie fut un calvaire d’échecs et d’humiliations, d’incommunicabilité. Il fut de ceux qui se débattent dans le malheur en lançant du fond d’un désespoir sans issue quelques éblouissantes fulgurances verbales dans lesquelles il ne vit qu’illusion mais qui serviront à d’autres malheureux pour panser leurs plaies et apaiser leur angoisse et leur solitude.

« Dans le brasier de la mélancolie
j’ai jeté à pleines mains
les débris d’une étoile morte
où j’avais cru découvrir
une substance douce comme le miel
pure comme la robe de l’aube
à l’heure où le soleil
dégorge son acier aveuglant
parmi les pétales
de la première chanson
née sur les lèvres de la mer »

« Terre de dénuement
pars / fais-toi ombre et silence / dans l’envahissement de la nuit / comme un orage à bout de souffle l’angoisse s’apaise au crépuscule l’animal traqué trouve enfin le repos dans les méandres de l’obscurité // n’a pas pu choisir / fut rejeté un jour / dans le sablier de l’angoisse / ne demandait que la paix et l’oubli / demain la bouche pleine de terre / ne pourra même plus crier // ensevelis hors du préau / où s’enflamment les lambeaux / de l’été nous n’aurons plus qu’un / ciel de boue pour imprégner / nos visages captifs de la / lourde étreinte des profondeurs // faites que mon corps / ne s’affole pas / à l’instant précis / où s’abattra / le couperet de l’ombre »

Et pour approcher de façon forte et sensible la vie et l’œuvre de Francis Giauque, je conseille chaudement l’écoute de cette remarquable émission « Albatros » de 1981 sur France Culture avec les voix et les témoignages de Pierre Drachline, Jean-Claude Renault, Guy Benoit, Jean-Pierre Begot, Georges Haldas, Jean-Michel Quiblier et Jean-Pierre Spilmont.