Dans ce numéro, nous nous inventions un statut de revuiste artisan crânement revendiqué. Avec des tâtonnements successifs, on allait trouver une colle efficace pour tenir les pages et accéder à une honnête maîtrise du dos carré collé. Nous accueillions pour cette occasion un maître en la matière, modèle de poète artisan, Jean-Pierre Lesieur. Il se préparait déjà à
devenir un vieux poète (*):
Le vieux poète
Sa tête peu à peu se rongeait
cancer des mots pensait-il.
Et les mots en miettes s’en allaient
à la queue leu leu des bouts de mots
sans queue ni tête
qui s’enfournaient d’eux-mêmes
dans la première fausse personne venue.
Cette maladie-là l’étonnait
cette curieuse chaîne humaine cassée
bribes écrasées de verbes petits bateaux
qu’aucun port ne voulait plus.
Sa tête peur à peur se rongeait
carcan timide des rides qui débarquaient
atrophie de l’âge qui n’est plus
le soutien sûr des pensées à repeindre.
Ne pouvait-il rien faire avec
son bâton torsadé de poète pèlerin
taillé dans un vieux saule pleureur
où il posait ses mains
et sa tête dessus.
(*)https://grostextes.fr/publication/la-derniere-ballade-du-vieux-poete/