Je ne me souviens pas d’Alain Suied, ni de ses poèmes ni de ses traductions. Je ne me souviens pas qu’il ait traduit Pound, Faulkner ou Blake ni ce livre de Dylan Thomas dont le titre me fascine depuis 40 ans « N’entre pas sans violence dans cette bonne nuit ». Je ne me souviens pas qu’il soit mort en 2008, quarante ans après avoir publié ses premiers poèmes dans la revue « L’Éphémère ». Je ne me souviens pas de ses livres parus chez Arfuyen ni de ce poème qui clôt le numéro 24 de la revue « Estuaire » :

« Où est le monde ?
Il se tient dans l’obscur.

Le monde n’a pas de nom
exact
le monde n’a pas de formes
connaissables
le monde attend
le monde.

Où sont les disparus ?
Ils se tiennent dans l’obscur.

Ils voguent plus loin
que la matière noire
plus loin que l’espace connu
plus loin que le nom
imprononçable. Ils attendent

le monde. »