« Ouvrier, poète, revuiste, une vie » de Jean-Pierre Lesieur, éd. Comme en poésie.
C’est l’histoire d’un gosse de pauvres dans l’après-guerre. L’éthylisme du père et la violence qui en découle vont conduire le jeune Jean-Pierre sur la voie de garage toute tracée ou presque de l’enseignement technique, l’apprentissage, l’usine… La classe ouvrière est peu représentée dans le monde de la poésie. Peu d’auteurs corrigent cette regrettable carence. Ici, en deux tomes, Jean-Pierre Lesieur nous raconte la première moitié de sa vie, les années de formation, les débuts à l’usine puis le recyclage dans l’éducation nationale qui, baby-boom aidant, recrutait massivement dans les rangs prolétaires, ce qui donna longtemps à l’institution une couleur populaire qu’elle tend à perdre.
Jean-Pierre Lesieur nous raconte ces moments de vie avec des mots simples, au plus près du vécu, du sentiment et de l’émotion, en ponctuant son récit de belles envolées critiques, d’un regard sans concession sur la société et les événements, d’un regard d’honnête homme franc et direct, jusqu’à ses débuts houleux dans l’aventure revuistique avec « Le puits de l’ermite ». L’auteur nous laisse entrevoir tant l’exaltation du projet éditorial que les difficultés relationnelles, les soubresauts de l’entreprise et les petitesses de quelques protagonistes.
J’ajoute pour mon histoire personnelle que Jean-Pierre Lesieur fut un des tout premiers auteurs que j’ai publié en revue. Je connaissais depuis longtemps ses poèmes que je recopiais dans mes journaux intimes de jeunesse à partir de numéros de la revue « Poésie 1 » de Jean Breton qu’on achetait pour trois fois rien dans les années 70. Je lui avais demandé sans y croire vraiment s’il voulait bien participer à une revue débutante et foutraque et quelle ne fut pas ma surprise de recevoir une dizaine de poèmes. Un moment inoubliable et le bonheur d’avoir croisé ce bonhomme ouvrier, poète, revuiste et bien vivant.
« J’étais poète
du moins l’aurais-je cru.
Poignée de sable dans le poing serré
Petit O.S. perdu dans la migration des averses
Enfant mort-né d’une famille inutile
Maquilleur d’un jour pour des masques au rebut
Mouton à cinq pattes
jeté à l’admiration glacée des foules
au regard distrait des piétons en dérive… »
(dans Poésie 1 n°47-48-49, 1976,1977 extrait de l’O.S. des lettres, éd. de l’Athanor, 1975 et réédité par Gros
Textes en 2005)
On trouve également un entretien avec Jean-Pierre Lesieur dans le numéro 47 de Gros Textes
https://fr.calameo.com/read/0011805405d99d36c8753