Je me souviens de la revue « Le Fou parle » qui parut durant une trentaine de numéros de la fin des années 70 au milieu des années 80 comme une sorte de queue de comète d’un désir de liberté et d’insolence frondeuse et désespérée, également la marque d’une époque. J’ai relu aujourd’hui le numéro 20 avec une somptueuse couverture du peintre turc Arslan. On y croisait des habitués, Gilbert Lascault, Rezvani, André Laude, Marcel Moreau, Roland Topor, Raphaël Pividal. Quelques pages d’aphorismes de Scutenaire ou une envolée de Max Genève (écrivain de talent demeuré inconnu) m’ont fait éprouver le même sentiment d’émerveillement qu’il y a 40 ans. C’est entre autres par les notes de lectures du Fou que j’ai pu dévorer les œuvres de Calet, Guérin, Gadenne, Reverzy ou Hyvernaud et goûter les dessins d’Olivier O. Olivier, Denis Pouppeville ou Puig Rosado et bien d’autres…

Les chroniques de Gilbert Lascault relatant le quotidien de l’imaginaire bourgade de Sore-lessept-jardins (éditées plus tard chez l’Arpenteur) m’ouvraient une fenêtre sur un fantastique poétique où j’aime toujours aller flâner : « J’ai aussi (dit encore l’épicière de Sore-les-septjardins) mes trois grands acheteurs de sucre en poudre. Chacun achète onze kilogrammes de sucre par semaine. Je ne sais pas ce qu’ils en font. Je ne le sais pas. J’ai essayé de leur demander. Mais ils n’écoutent pas les questions. Ils monologuent sans s’occuper de ce qu’on leur dit. Ils parlent de la pureté glacée du sucre et rêvent d’un Sahara blanc qu’une pluie transformerait en mélasse. D’un Sahara crissant, formé de tonnes de cristaux de sucre, doux et cruel à la fois qu’ils voudraient parcourir vêtus d’une djellaba blanche, assis sur une chamelle blanche, égrenant un chapelet de perles. »

Je me souviens que je lisais ce numéro dans la chambre numéro 6 de l’hôtel Excelsior, avenue de la République à Lunéville en Lorraine, pays de la mirabelle. Mais au fait qui se souvient de cette chanson « La Mirabelle » d’Hervé Brousseau, chanteur québécois décédé en janvier il y a 3 ans (– c’est un peu tiré par les cheveux cet enchaînement tu crois pas Artufel ? – J’en conviens !)