« Sous l’écorce du jour » de Léon Bralda, éditions Alcyone – https://www.editionsalcyone.fr/

Si on prend les titres des trois ensembles de poèmes du recueil ça donne quelque chose comme : Avec notre immense part d’ombre, sous l’écorce du jour, on s’en va dérober des trucs impossibles, des machins pas croyables. Alors c’est parti. On monte vers le sommet, ce n’est qu’un modeste rocher avec sa croix dressée comme un phare pour les marcheurs. On monte à notre rythme, on fait des pauses, on prend le temps car « le temps, mon bon ami, est œuvre d’humanité », nous veillons à notre part d’humanité, on en prend soin en contemplant émerveillé le vague reflet d’un sourire ou d’un malentendu dans son miroir, et tout ça fait mémoire et douce nostalgie… « Nous nous devons d’aller où le chemin appelle, nous nous devons d’aimer l’herbe nouvelle, la lumière venue tout au-dessus des digues, la parole éclairée qui habite le seuil, le mot jeté par-delà le silence encombré de nos voix ». Ces voix, il convient parfois de les ranger, les mettre de côté pour laisser passage à d’autres, il faut bien se croiser, on se salue d’un geste de la main, bonne route compagnons, on se retrouvera à l’auberge du souvenir, nous évoquerons les disparus autour de quelques verres de vin. Nous aimons simplement dans le resserrement des cœurs.

On prend appui sur la lumière des petits matins pour aller un peu plus loin, on regarde en bas le chemin parcouru et là-haut celui qu’il reste à faire si force et volonté demeurent, on s’essaye à penser, à polir de la phrase, des mots du fond des âges, des silhouettes anonymes. Depuis belle lurette nous avons renoncé à l’exactitude, notre démarche n’est faite que de vagues impressions vagabondes, nous n’imprimons que d’obscures lueurs sur de vieux tas de pierres. Nous sommes là encore un peu avec nos poèmes, nos chansons, nos histoires, nos photos et quelques cailloux dans nos poches, des passions ravagées, des prières de semences, nous posons délicatement nos lèvres au centre du désir, « nous demeurons ce temps qui grince aux grilles du jardin. »

Et en bout de course, pendus aux branches d’une étonnante joie, saurons-nous être de cet état passant, être celui qui « écoutera passer la tendresse dans ses poings fermés » ? (Gérald Neveu)