Les chocards du vide


On va courir les cimes
à cause de n’importe quelle transparence de l’air
quand l’hiver se referme
et qu’on regarde intensément
comme d’improbables conquêtes
d’autres cimes là-bas
de l’autre côté du vide
ce vide que martèle le temps à nos tempes
le temps d’être ici assis contre un rocher
quand le vent douloureux nous cingle le visage
et que l’on partage la boîte de pâté
tout en mâchant du paysage et de l’effort
lumineux presque fiers un peu tristes pourtant
car on est bien conscient que rien ne se retient
On reste là longtemps à mâcher du silence
ou nommer les sommets reconnus aux lointains
on les montre du doigt
en admirant le vol gracieux
des chocards à bec jaune
planants sur nos fatigues
ces oiseaux noirs qui si l’on mourait à l’instant
viendraient vite tendrement nous picorer les yeux
mais à présent se contentent
de guetter les miettes qui resteront ici
quand nous serons partis.