Je me souviens que mon père qui ne croyait pas en Dieu faisait toujours une crèche au
moment de noël. Une crèche de bric et de broc avec ce qui lui tombait sous la main. C’était
plein de papier kraft et de coton hydrophile, de figurines dépareillées et de bois de cagettes
peint à l’arrache. Une crèche assez moche, un truc de pauvre sans goût. Et puis il y mettait
toujours un chien parce qu’il aimait les chiens. Il était boucher et je le revois lancer des
morceaux de déchets (et parfois de bons déchets) à des clébards qui attendaient patiemment
devant sa boutique.
Ce soir de noël 2019, je donne des déchets un peu plus haut de gamme que d’habitude à mon
vieux chien, aveugle maintenant, que mon père a caressé il y a 18 ans. Je suis à peu près sûr
que c’est le dernier noël de ce chien. Alors je le serre dans mes bras et pense à des trucs qui
mouillent les yeux.
Joyeux Noël…
« Je ne pensais pas que ça ferait ça
Je n’aurais pas imaginé le vide
Le bruit de tes bottes dans la cour humide
Qui ne vient plus, qui ne vient pas
Le bois qui ne se fend pas
Tu aurais dû nous dire que les feuilles tombent à chaque fois
Que le soleil attire les rides plus vite que la marche de tes pas
Je ne pensais pas que ça ferait ça
On n’aura pas cru nos cœurs livides
Quand on vient le soir un peu timides
Les bons soirs et les bons jours ne sont plus là
La porte d’atelier ne se ferme plus, ne s’ouvre pas
On devrait dire aux enfants que l’éclosion des fleurs qu’on ramasse pour nos mères et nos
pères
Sont plus belles quand là, ils vivent encore…»
(Laurent Fellot – Des fourmis dans les mains)