Non je ne suis pas pressé

Voilà, je crois que la barque est pleine.

On pourrait continuer
mais il faut bien s’arrêter au milieu de tout,
contempler son bien, ce qu’on emporte
le temps d’une promenade au fil de l’eau
le long du fleuve, j’ai traversé le pont.

Tout est là, c’est mon bien.
Ce vent courant sur la jeunesse éternelle
me ramène quelques flammes
pauvres et fébriles, en peine de chauffer l’espace
de ce coin de cuisine où je regarde vieillir l’horloge.

Je reconnais de loin ce désir d’être heureux,
la fragilité de la joie, la pesanteur des confidences
qui aiguisent un bonheur qu’on voudrait
clouer sur la porte des années
et laisser la porte ouverte.

Je regarde s’aligner les arbres, les amis.

On se cramponne toujours au même brin d’herbe,
aux bouquins qui se serrent comme des maisons
le long des rues de nos étagères bancales.

Les nuits passées à vos côtés vibrent à peine.
Le chantier arrêté nous reste sur les bras.

J’enfile tout sur l’hameçon des lignes de cahier
et pars pêcher des morceaux de vous dans la marge.

J’ai payé la carte, m’applique à dessiner des majuscules.

Et si je n’attrape rien ce coup-ci
je reviendrai un autre jour.

Je ne suis pas pressé.