« Fragment du journal d’Orphée » suivi de « La musique n’adoucit pas les peurs » d’Olivier Cousin, illustré (vachement bien) par Violaine Fayolle, éditions Kutkha. http://www.editions-kutkha.com/catalogue5.html
C’est une bien agréable façon de revisiter le mythe d’Orphée que nous propose Olivier Cousin. En deux temps. Un journal de notre héros malheureux d’abord avec des sortes d’aphorismes au quotidien et à la première personne et puis le poète reprend la main et nous livre une série de poèmes à la troisième personne et au désespoir délicat.
Donc si nous résumons la situation, ayant perdu à tout jamais et bien connement l’amour de sa vie, sa Didice (Eurydice), Orphée a le moral dans les chaussettes et plus envie de grand-chose. Même la poésie le gonfle. « Art, peau et tics – Ma muse ? Ce que je mise sur ma muse s’amenuise. Grand temps de raccrocher ma lyre. M’amuse de moins en moins. »
Impuissant, il traîne dans les bistrots tout en fuyant la compagnie de ses congénères, pédale dans la semoule, jette sa lyre aux orties, s’adonne à la mélancolie, tout en préservant un fond d’humour ou plutôt de froide ironie, se complet dans un chagrin de dandy, ressasse son irréparable connerie, « Mauvaise route – Une erreur et c’est l’errance pour l’éternité », contemple froidement sa déchéance, « Bulletin de santé – J’ai une tête de papier mâché. Ça, c’est depuis que l’usage du papier s’est généralisé ; avant j’avais une tête de mosaïque
éclatée », appelle les poètes à la mesure et la sobriété (ça c’est malin), « Art, peau et tics – Si tu veux faire
forte impression, imprime peu ».
Bref nous naviguons clairement sur le fleuve du désenchantement jouissif et c’est un régal.
Aller, on se jette un dernier petit verre de lucidité derrière la cravate :
ORPHÉE DE COMPTOIR
Rendez-vous manqué avec Eurydice
Incapable de s’enquérir sur ce lapin
– Il s’est débarrassé de son portable
s’il l’allume il ignore où ça va le mener –
Orphée entre dans un bistrot
Se mettre au chaud et faire le point.
Du comptoir giclent des vérités
La poésie est chose commune
et c’est à peine si n’importe quelle conversation
au café ou dans la rue ne la vaut pas
Transition rêvée pour signaler ce délicat petit livre relié à la japonaise d’Elsa Hieramente, « L’amour à boire » aux éditions les Venternier, https://www.lesventerniers.com/productpage/l-amour-%C3%A0-boire-format-poche-elsa-hieramente, joliment illustré par l’auteur.
« les mots / s’en vont / quand / tu / arrives »
ou encore
« tu es le / i / du mot / amour »
Hi hi, c’est mignon tout plein et belle idée cadeau pour noël n’importe quand.
Tout comme la dernière publication Gros Textes de l’année, signée Denys Colin et Guylaine Carrot, « La méduse de canapé », suites de listes de mots doux, que je vous laisse découvrir sur notre site :
https://grostextes.fr/publication/la-meduse-de-canape/
J’ai oublié de signaler que cet ouvrage est préfacé par Armand le Poête qui en connaît un rayon sur la question de l’amour.