« Anthologie immédiate » de Pierre Tilman, aérolithe éditions.
https://aerolitheeditions.blogspot.com/2019/10/publication-n3.html

C’est l’histoire d’un type, il voulait plus écrire des poèmes tristes parce qu’il trouvait ça trop facile (ah tout de même se priver du mal du siècle, de la douce et voluptueuse mélancolie d’automne, des belles névroses, des hystéries rigolotes et du merveilleux spleen baudelairien…). Alors il écrit ça le type et c’est pas triste non c’est de l’émotion sereine, de fines tranches de socio-psycho-philo découpées au scalpel. (et un peu de linguistique, d’esthétique et de physique nucléaire aussi) (un génie le type).

Juste l’envie d’en finir

Il y a toujours dans la nuit un
homme qui ne dort pas qui regarde
le ciel ou ne regarde rien
qui garde les yeux fermés et qui
ne dort pas.
Il y a toujours dans la nuit un
homme qui tient dans ses bras
le corps chaud d’une femme
qui sent les os puissants de la cage thoracique
qui se soulèvent et qui s’abaissent
régulièrement.
Et ce même homme avec tout ce bonheur
contre lui et en lui
savez-vous à quoi il pense ?
c’est à peine croyable et cela le surprend lui-même
quand il en prend conscience.
Il pense à son suicide
comment il va en plein hiver s’enfoncer dans
l’eau glacée avec le bruit des vagues
avec l’écume blanche contre les rochers
et comment il va laisser
un mot sur le siège de sa voiture en évidence
côté passager ou plutôt côté conducteur
un mot qui dit ça n’est pas grave
on ne va pas en faire un fromage
c’est juste l’envie d’en finir
de ne pas trop vieillir
pas de quoi s’affoler