Parfois me revient ce « requiem » de Ferré (dernier titre sur l’album « je te donne » 1976) que j’écoutais jadis près d’un feu de bois (vinyle ou cassette, chaine ou magnéto ? un peu des deux je crois) avec quelques copains.
– Plus rien sur le blog depuis un moment, tu vas bien ? me demandent d’autres copains.
– Oui ça va bien. Merci de prendre des nouvelles. C’est qu’un temps cet automne, j’ai fait miennes ces lignes à la fin de « Printemps noir » d’Henry Miller que j’avais recopiées dans un coin.
Face à trop d’avis et d’invectives, de positionnements courageux et d’arguments imparables, de tribunes et pétitions, d’affirmations péremptoires et de certitudes indiscutables, de jugements sans appel, de discours sérieux ou de logorrhées exutoires à propos de tout, la situation sanitaire et les violences policières, les vaccins et les masques, la fermeture des théâtres, des librairies et le télétravail, le monde de la culture et les prix littéraires, les banquises qui fondent et les commerces qui ferment, j’ai pratiqué un moment le retrait égoïste, le hors-champ, la mise à distance, l’individualisme, la fuite, l’évasion, la retraite en rase montagne, l’abandon, la fugue, l’esquive, l’escapade, l’échappée plus ou moins belle… Un moment… Juste un moment…
« Et maintenant je prends congé de vous, et de votre citadelle sainte. Je vais m’asseoir au sommet de la montagne, je vais attendre dix mille ans de plus pendant que vous vous débattrez pour monter vers la lumière. Je voudrais rien que pour un soir que vous baissiez les lumières, que vous assourdissiez les haut-parleurs. Ce soir, je voudrais méditer un peu en paix et en silence. Je voudrais oublier pour un petit moment que vous grouillez autour de moi dans votre rayon de miel à deux sous.
Demain, vous pourrez accomplir la destruction de votre monde. Demain, vous pourrez chanter au Paradis par-dessus les ruines fumantes de vos cités terrestres. Mais ce soir je voudrais penser à un homme, un individu solitaire, un homme sans nom ni patrie, un homme que je respecte parce que il n’a absolument rien de commun avec vous – MOI-MÊME.
Ce soir, je méditerai sur ce que je suis. »
Henry Miller
https://www.youtube.com/watch?v=CrtxDNNc5Uw