Même si personne ne le sut
Au commencement fut le potiron bien sûr

Fus-je celui qui ne sut pas bien proclamer
ses passions, ses chansons toujours inachevées,
les ivresses, les cimes humaines, le travail humble,
les matins de baptêmes, la dérive des corps.
On n’avait mis pour avenir devant sa porte
que ce bout de temps à courir à travers chants,
écouter la terre chanter ses saveurs de graines.

Fus-je celui qui rêva de tout foutre en l’air
clamant l’écho de ses pas pour se rassurer,
ne pas s’imaginer seul avec son bouquet
de chemins et de gouffres, le pont qui se dressait
contre des soirs d’orages, les éclairs de la marge
en marge du poème les mots s’en vont rouler
la salive des jours dans des lèvres sauvages.

Fus-je celui qui ne sut pas bien proclamer
la fureur de sang fauve, les écorces rebelles,
les aurores électriques, le jasmin musical,
qui s’accroche aux tempêtes, aux pigeons voyageurs,
qui explore ce qui grince, ce qui se tend,
les sédiments de son enfance, les toits des villes
et les parois abruptes de ses songes défaits.

Tout près de là, les potirons pensent aux soupes
des soirs d’hivers. Je fus celui qui fit un feu
dans un coin du jardin, qui se mit à genoux
pour écouter et transcrire des sources neuves
des voix éteintes, les pieds ancrés dans son cahier
d’écolier appliqué recopiant sagement
les lueurs d’une aube percée de potirons.