« Il ne faut jamais ternir sa mauvaise réputation »

Le numéro 12 inaugurait les dossiers dans la revue. Ce premier consacrait une douzaine de pages au poète belge Achille Chavée (1906-1969) avec l’aide de la société des amis de celui-ci. Achille Chavée se présentait comme « un pauvre petit propriétaire d’un désespoir de moyenne importance » ou bien « un vieux peau rouge qui ne marchera jamais dans une file indienne ».

Auteur volontiers frondeur, il passa sa vie à la Louvière, où « le vent de la révolte faisait partie de l’air ambiant… Là-bas couve sans cesse sous les cendres le feu ardent du refus. Et quand on pose un genou à terre, c’est seulement devant le brasier de la fête, pour honorer le roi-carnaval. »

« Exhortation
Croyez m’en bien mon vieil ami / on a coupé mes ailes / on a brouillé mon ciel / on a miné la terre sous mes pas d’espérance / on a tué mon ange / on a brûlé mon cœur / on a sali mon rêve / on a déchiré mon beau costume / dans une bagarre d’ivrognes spirituels // Croyez m’en bien mon cher ami / je m’amène chez vous / dans un état très lamentable // Voulez-vous bien me recueillir / pour une nuit / le temps de recharger / soigneusement / mes armes / celles de la colère de la révolte et de l’amour »
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Entre deux maux il faut choisir celui qui n’existe pas.
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Il est bien difficile de se damner avec un seul billet de mille franc et un reste d’éducation religieuse.
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Un jour je n’entrerai pas à l’Académie.
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Elle avait eu pour moi des lèvres aux longs baisers de sparadrap.
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Quand on est très riche on ne se contente pas des sept péchés capitaux.
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Tout cercle est atteint d’une incurable obésité.
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Dans ma famille, lorsque j’étais petit et que l’on voulait dire ou faire quelque chose que je ne pouvais pas entendre ou savoir, on me disait : « Achille, va un peu voir au fond du jardin si je n’y suis pas ». J’allais au fond du jardin, je n’étais pas dupe, et déjà les jugeais tous à leur dérisoire mesure.