Il y a 26 ans le numéro 13 commençait encore sur un coup de gueule de marin :
« Nous et tous les autres, même ceux qui prétendent le contraire, faux-cul ou benêts butés, nous enfonçons chaque jour un peu plus dans le maousse merdier planétaire. Notre histoire est pieds et poings liés à celle d’un monde qui déjante et pète les plombs, à celle d’une aurore qui a glissé ses jolis doigts de rose dans la combinaison de protection des chercheurs fous qui gambergent sur les mille et une meilleures façons de suicider la terre. Nous v’là en cette aube du troisième millénaire qui pue trop fort le plutonium et la mort. Notre histoire, celle d’un tas de mecs, une multitude mâle et femelle, qui clapote désordonné et plus sordide que mouches sur étrons piégés. Celle d’une planète qui pustule et purule furax. Celle d’une p’tiote humanité qui court allègre et alerte après le gros paf vérolé du méchant satyre qui la fait même pas jouir. Big brother, encapuchonné de la bite aux pieds, prend son panard en solitaire en le gentil fion soumis de la jolie p’tiote humanité. C’est une moche et terrifiante histoire que la nôtre. Je ne fais qu’aborder par trouille de m’y fourvoyer encore plus les méninges. Les cadavres des mômes de Cana, ceux des civils adultes, ou mioches encore, se putréfiant sous les terre d’ex-Yougoslavie, tous les macchabées de Tchernobyl, victimes de leur propre connerie ou de celle des autres, tous les innocents trucidés au nom d’un dieu, d’une nation ou pour servir d’engrais aux ambitions tordues d’un gouvernant dément, tous les peuples
génocidés (Amérindiens, Inuits, Masaïs, Papous, etc…) afin qu’ils cessent d’entraver la marche du « progrès » et ne fassent plus obstacle à l’évolution des sociétés forestières ou minières qui graissent généreusement la patte aux salopards de tous pouvoirs politiques confondus, je chiale sur eux tous et la féroce envie me prend d’aller exorciser mon bourrier de cœur loin ailleurs, sur quelque autre planète, si tant est qu’il en existe une habitable, où je ne serais pas tenté de succomber à un tel désespoir. »
Alain Jégou, le 25 avril 1996