Histoire de grimper aux brumes de l’étang
Sur le chemin je t’ai rêvée,
une île dans la brume, l’avenir en suspens.
Viennent les souvenirs, les hologrammes tendres
rangés dans les albums, les matins de printemps
quand les voix et les mains fermes de nos parents
nous jetaient engourdis, les yeux évaporés
hors du lit de l’enfance, sa chaleur en peluches,
et nous enveloppaient, pantelants de sommeil,
de pénombre et de lourds vêtements pour partir
dévorés de frissons aux forêts de la vie.
On embarque sur nos papiers ivres de bateaux.
Là-bas nous glissons vers un phare de fortune.
Le gardien nous invite à monter tout en haut,
nous fait des signes que nous ne comprenons pas.
Il nous parle peut-être de rendez-vous manqués,
de messages secrets, d’un rocher fissuré
où se sont égarés les copains, les fantômes.
Nous y grimpons les soirs quand revient la brûlure.
On se perd trop souvent dans ce ciel morcelé
qu’on prend pour du papier musique, une danse.
On reconnaît pourtant les oiseaux qu’on salue
en passant, les grenouilles, les danseurs et les loups,
le gardien du phare où s’allument les histoires,
et bien sûr l’eau qui tambourine sa mélodie,
ses soupirs délicats, son courant obstiné.
L’amandier a fleuri. Nos mains touchent son écorce.