« Mien Tien Lien » de Jacques Morin, Décharge

Le lien c’est avec le petit enfant à naître avec un saut de génération. Encore dans un ventre on est un « alien » l’un pour l’autre. Cet enfant lorsqu’il aura 20 ans, je serai un vieillard (dans quel état ?) ou un mort. L’enfant va s’ouvrir au monde en même temps que je vais me refermer à la vie.

Alors s’allonger dans l’herbe une nuit et contempler cet univers dont on ne sait presque rien, on effleure le tragique, on accepte l’impasse, on n’a guère de choix, on se réconcilie avec le temps même si la mémoire qui le conserve c’est un peu le même fourbi que les constellations là-haut. On goûte le chaos. On dirait de l’eau. Ça va encore, on n’a pas trop mal. L’essentiel c’est la santé. On se satisfait de ce « miracle de poche » qu’est « un jour indemne ». Encore un de gagné. On revoit ces parterres de primevères sur les talus au bord des chemins d’avril. Tu t’émerveilleras aussi, l’enfant, de ces souffles d’infini, de menue beauté.

Et puis il y a celles et ceux qui nous ont devancés pour le grand saut. Ils sourient à jamais sur les photos. On ne voit plus que leur sourire. Alors moi aussi je souris à l’enfant qui danse encore sur les planètes et comme tout le monde, je voudrais rester encore un peu près du poêle, souriant bêtement en regardant l’enfant danser.

« L’ironie du sort et de la sortie / c’est le destin qui joue à qui perd gagne // on esquive tous les jours sa mort / et cette suite de vers n’est-ce pas / pour la défier // tout en espérant dans mon fort intérieur / qu’elle m’oublie encore un peu »