Nos vies sont des brouillons qu’on va pas réécrire
Nous passions parmi les objets,
nous disions la barque ou le bateau de papier.
On aurait pu convoquer le papier froissé
où s’écrit chaque fois le même dénouement.
Je tente de reprendre, de changer un détail,
défroisser cette feuille du plat de la main
comme quelques caresses d’amants au matin,
recopier d’autres mots à l’éclat des fenêtres,
une autre scène, une autre pièce, théâtre neuf.
On devrait pouvoir faire ça avec la vie,
courir la rechercher lorsqu’on l’a balancée
dans la corbeille des tragédies souterraines
et recopier tous les instants qui nous ont plus,
dessinés avec d’élégantes majuscules,
changer la tournure, le mouvement de danse
des phrases, compter ses pas pour tenir le rythme,
mettre des poutres apparentes aux sentiments,
des toits d’ardoises, des nuits de pluie, des yeux mouillés,
des toits de tôle, ça résonne, des nuits vécues
embarqués dans de l’épique de pacotille.
Et pourtant j’entends très bien respirer dehors
le poirier centenaire qui veille sur nous.