Traversée de banlieue par temps humide

Si vous voulez
on va marcher sur le trottoir pour commencer,
prudemment. Un jour nous traverserons la ville.
Le commencement c’est se souvenir à peine.
On va jusqu’au commencement, c’est loin je crois.
Les souvenirs s’usent, les souvenirs sont usants.

Apparaît un homme qui se met à gratter
les couches de papier, l’hiver, l’air des soirées,
il gratte comme il respire, respire à peine
il cherche sous les strates la lettre très fine
qu’on a dit d’un autre âge, obsolète et pourtant
qui le fit tant vibrer, laissons-le donc gratter.

Il finira par remonter à la surface
avec son panier de fossiles, son couteau,
il dit que la chute n’a pas été trop grave,
qu’il a bien négocié la traversée du lac,
que bientôt la neige reviendra rafraîchir
son visage, essuyer le contour de ses yeux.

Il dit que tous ces jours sont écrits de travers
que les cartes ne donnent plus la direction
de ce pays où bat le cœur à l’unisson
des arbres des forêts, du ciel des nuits d’errances,
qu’il faudra ramener de ces mots quelque chose
je ne sais pas bien quoi, une barque peut-être.