Je ne me souviens pas de Gaston Puel, ou alors presque pas. Georges Cathalo nous en a parlé il y a quelques semaines mais je ne me souviens pas avoir commandé dans les années 1990 aux éditions du dé bleu « L’âme errante » – pourtant cet ouvrage est sur mes étagères – ni d’avoir lu son « Carnet de Veilhes », j’ai pourtant recopié des poèmes de ce recueil dans un vieux cahier. Je ne me souviens pas que Gaston Puel était imprimeur de sa maison d’édition « la fenêtre ardente », j’ai pourtant dans mon stock de bouquiniste des ouvrages de cette maison. Je ne me souviens pas qu’il disait qu’il « cirait ses mots comme on cire ses chaussures » ni que Joë Bousquet lui intima de ne pas oublier « qu’il n’y a pas de grands hommes » et que de toute façon « un homme grand, c’est une vie manquée ». Je ne me souviens pas qu’il disait ne voir dans le poème qu’« un peu de terre remuée, un infime terrier de mots – ou bien toute la terre s’arrondissant sous ta main comme une pomme. » C’est pourtant le genre de définition que j’aime me répéter et diffuser autour de moi.
Je ne me souviens pas de Gaston Puel qui au fond ne devait pas trop espérer qu’on se souvienne de lui qui parlait aussi bien aux hommes qu’aux arbres :
Aux frères immobiles
Frères immobiles,
Grands arbres ouverts au matin,
Qui broutez entre vos branches
Le bleu futur, le noir vainqueur,
J’envie votre langue écorcée,
La terre qui vous tient noués,
Et l’air qui vous en délivre,
Tandis qu’inachevé je m’égosille
Dans le vide que vous buvez.
(revue Estuaires n° 24, 1994)
*
Ailes repliées
La lumière roucoule
À la cime des arbres
Une feuille d’érable
Flambe au dernier soleil
Et nous
Pareils à un feu dénoué
Nous tombons
Nous tombons toujours.
(revue Sud n° 92/93, 1991)