Je pars et je demeure comme l’univers *
On aura pris force à l’ombre du mélèze
Puisé la sève de patience à son écorce
Passé le pont de pierre et reposé dans l’herbe
On aura parcouru l’évidence du corps
On aura essayé d’écrire comme on danse
Dans la fraîcheur d’une aube enfouie au fond de soi
Toujours plus loin dans la musique des instants
Du temps perdu de l’innocence et la surprise
Du sentier retrouvé sur l’épaule du chant
On aura fait rouler la coquille de noix
Avec la voix timide de ceux qui hésitent
À réclamer au soir un supplément de lumière
Pourtant le monde est beau
Mes yeux ont contemplé longuement le mélèze
J’ai pensé au Liban à la vieille mappemonde
Qu’en enfance je faisais tourner sur les songes
D’un bureau d’écolier
À l’espoir aux framboises
Au filet d’eau de source pure
Aux fleurs qui vont s’ouvrir quand la nuit s’éteindra
À mes voyages au loin qui s’en iront sans moi
À l’harmonie des pas des muses du silence
* Fernando Pessoa