Parfois me vient l’envie de parler à tout crin.
C’est un attelage de verbe qui s’éveille
au cœur des feuilles d’une plante d’intérieur
qu’une vieille femme nourrit de mille soins
comme un animal compagnon de solitude.
Parfois je parle depuis un brin de verdure
qui ressemblerait à un troupeau de moutons
qu’on aurait semés dans un pot sur un balcon
un de ces matins où j’ai comme ça eu envie
d’écrire un poème et le dire et le poème
et la parole seront toujours en chantier.
Je parle du fond de grande faim de parole,
de famine de parole, de ce qui va trop loin.
Alors je me dis : « oh putain ça va trop loin ! »
et je reviens et je parle ici de trop loin,
d’un ici qui serait l’obstination d’un rêve.
Tu rêves aussi ? Alors tu es seul aussi?
Seul avec les autres, avec une parole
qui s’accroche à la perle de vie entrouverte
se cachant derrière un rire ou un silence
parce qu’une frime de convention bâillonnait
cette tempête, pâle perle titubante
en lisière du silence
où résonnent nos pas
sur des pavés livides
où traînent nos fatigues
quand on laisse un mensonge
s’épanouir docile
à la place des cris
une émotion planquée
se mourir dans un coin
où l’on ira demain
ou bien un autre jour
quand on aura le temps
au bord de ce silence
moi je vous parle émoi.