Parfois tu as envie de parler toi aussi.
Peut-être bien plus car ça tangue sous la langue.
Tu ressens un roulis d’ouragan dans la gorge,
des cris des appels des caresses et des rires,
les rides d’un bonheur qui vieillit au jardin.
Et voilà ton corps, mille faux pas dans les poings.
Et voilà ta vie, pauvre fagot de sarments
qui te disent : « que fais-tu de moi, que fais-tu
de nous qui sommes pris dans l’élan des troupeaux ?
Qu’as-tu fait aujourd’hui… qu’as-tu fait à cette heure? »
Comme tous les jours j’ai cherché dans la valise
une voix de rage, de fièvre de vertiges,
et comme tous les jours je n’ai pas su trouver
dans quel coffre lointain, dans quel gouffre marin,
dans quel tiroir secret je l’avais déposée.
Puis comme tous les jours je remets à demain.
Mais demain c’est la porte de l’éternité,
c’est la lourde pierre noire sur mes paupières
de rêveur obstiné, de promeneur distrait.
Demain c’est l’oiseau migrateur comptant les jours
sur le calendrier, voyages aux longs cours
des envols avortés, des retours au foyer
au fond de cette enfance
qu’on a tant grignotée
des couleurs qui s’effacent
à l’heure du déjeuner
depuis les cheveux longs
des couloirs du lycée
les bouquins d’occasion
oubliés sur un banc
où s’écrivent des poèmes
les poèmes maladroits
que l’on garde en secret
tel un carnet d’adresses
où s’écrit le passé
moi je vous parle émoi