la nuit sera lumineuse si nous gardons la lampe éteinte
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perspective de l’inconnu
à la veille du départ sac au pied du lit incapable de trouver le sommeil et terriblement impatient comme tous les petits garçons de trente-sept ans
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partir c’est quitter et rejoindre dans un même temps l’impatience du port la mélancolie sur le quai
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nous trouverons la bonne allure quand nous ne chercherons plus le raccourci
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là où nous ne nous trouvons pas
c’est de l’autre côté du mur de l’autre côté du ciel de l’autre côté du monde de l’autre côté de la frontière c’est toujours de l’autre côté qu’on se demande comment c’est
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nous nous sommes arrêtés ici pour construire la maison à l’abri du tumulte sous le vent favorable dans la lumière dorée des soleils et des lunes et nous aurons monté la pierre baptisé le linteau dressé la palissade nous nous sommes arrêtés ici pour ralentir le cours des saisons et des choses pour planter le noyer et…
pour regarder grandir nos enfants nous nous sommes arrêtés ici pour parler notre langue et cultiver la mer mais de ce carré de terre il nous faudra un jour passer la main et nous saurons alors malgré tous nos efforts qu’il ne nous appartenait pas
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contourner la nuit pour reprendre la main pour décrocher la lune pour que dalle et pour rien pour l’hiver et l’oiseau pour l’or et le muguet pour se taire à nouveau pour mentir pour de vrai
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au lieu-dit de ma mort je sais que la nuit venue tiendra toutes ses promesses elle sera noire de monde des femmes et des hommes s’y donneront du plaisir et l’on aura publié dans le journal le bulletin météo du lendemain
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ce n’est un secret pour personne ne reprends pas ce que tu donnes la plus petite incrustation la flamme blanche qui vacille sur mes deux jambes à la cédille de mes mains dans la floraison il ne faut pas cesser d’écrire cesser d’aller de parcourir il ne faut pas cesser d’écrire…
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c’est bien au contraire tout ce qui aura été écrit qui sera un jour inévitablement perdu

Jean-Louis Bergère (« Jusqu’où serions-nous allés si la terre n’avait pas été ronde »,
Gros Textes, 2008