Il arrive que des pierres sorte un chant porté par une voix très frêle et pourtant un chant profond venu de vieilles légendes, des replis de la terre et du temps, des vagues sombres dans le ciel lourd. Il arrive qu’on se prenne au piège des contes, des fumées, de la vibration des feuilles. Au cœur de l’humble promenade, surgit le chant qui vient de loin, de derrière la cloison des lampes et le cri des bêtes. On l’entend par intermittences, on ne dessine pas ses contours, les traces sont imperceptibles, c’est seulement une présence vaguement inquiétante. Je me souviens, j’étais enfant, une vieille voisine affirmait avec autorité que dans ce creux de rocher, certaines nuits dansaient des fées, que plusieurs d’ici les avaient vues, de leurs yeux vues et que leurs vies en avaient été bousculées. Elle ajoutait la mine grave et persuadée, tout en remontant son châle de laine sur sa figure, qu’il était très dangereux de les déranger. Orpailleur de l’impensable, je cherche là les marques de leur passage entre les pierres en équilibre crédule, comme on comblerait une distance avec les songes, comme un frisson ouvre le vent, comme une porte où s’engouffrent bonheurs et drames, la musique des pierres et le trouble message des fées.

« Était-ce femme ou bien rivière?
Était-ce la vie à la mort
Mêlée ainsi que l’âme au corps?
Laquelle chantait la première?
C’était la femme et la rivière
Et l’amour mêlé à la mort… »