« L’arbre qui bouge et fait
semblant que c’est le vent.
L’homme qui parle et fait
semblant que c’est lui-même »
Gilles Vigneault
À peine le temps de ramasser un peu de bois, c’est aussi une manière de retenir son souffle. C’est fou tout ce qu’on retient. Le chemin qui mène au bord de la Durance, je ne l’avais pas emprunté depuis quelques décennies. J’aimais jadis flâner à côté des rivières les jours de perdition, caché sous les arbres, face au ciel, face aux nuages, attendre ce qui n’arrivera jamais. Un jour viendra au bout du fil, une confiserie, on y pense pour être mieux, quelqu’un était ici, quelqu’un s’en est allé comme cette eau dans le courant qui charrie ses chevaux et ses éclats de rire. Il nous semble parfois qu’on vient de retrouver quelque chose qu’on ne cherchait pas vraiment. Mais sait-on vraiment ce que l’on cherche ? J’ai regardé longtemps couler cette eau de la Durance, fasciné comme devant les flammes d’un feu de bois, rêvant de lacs, de peaux mouillées, d’un point secret par-delà le regard quand on ne sait plus qui est celui qui regarde sans voir. C’est à cet instant qu’on se sent flotter à la lisière de l’au-delà de la rivière.
« Au clair de la lune, mon ami l’oiseau
Prête-moi ta plume, ton nid de roseaux
Ouvre-moi ta porte, ouvre-moi les yeux
Ma chandelle est morte, le monde est en feu
Donne-moi le ciel, la voûte étoilée
La pluie qui ruisselle sur la terre brûlée… »