Au début des années 2000, il était fréquent que je termine les spectacles de poésie musique
gros textes par ce poème :

La terre est un endroit merveilleux
pour y venir au monde
si ça vous est égal que le bonheur
ne soit pas toujours
si gai que ça
si un soupçon d’enfer
de temps en temps
ne vous fait rien
juste quand tout marchait si bien
parce qu’après tout même au ciel
ils ne chantent pas tout le temps
la terre est un endroit merveilleux
pour y venir au monde
si ça ne vous fait rien que des gens meurent
tout le temps
ou sont seulement affamés
quelquefois
ce qui n’est pas si grave
si ce n’est pas vous
oh la terre est un endroit merveilleux
pour y venir au monde
si vous n’êtes pas trop gêné
par quelques cerveaux éteints
dans les sphères supérieures
ou une bombe ou deux
quelques fois
sur vos faces levées au ciel
ou telles autre inconvenances
dont notre société dûment estampillée
est la proie
avec ses hommes de distinction
et ses hommes d’extinction
et ses prêtres
et autres agents de police
et ses diverses ségrégations
ses investigations congressionnelles
et autres constipations
dont notre sotte chair est héritière
Oui la terre est le meilleur endroit de tous
pour tout un tas de choses comme
faire la fête
et faire l’amour
et se livrer au chagrin
et chanter des chansons douces et être inspiré
et se promener
tout regarder
et sentir les fleurs

et palper les fesses des statues
et même penser
et embrasser des gens
faire des gosses et porter des pantalons
et agiter son chapeau et danser
et aller nager dans les rivières
en pique-nique
au cœur de l’été
et simplement en général
« se laisser vivre »
Oui
mais voilà qu’au beau milieu de tout
arrive le souriant
entrepreneur de pompes funèbres

Lawrence Ferlinghetti
Un luna park dans la tête
Traduit par Madeleine Roux
Editions Gros Textes, 1997