Passer la porte qui donne vers le jardin, écouter la voix dire le brin de vie, l’errance des vérités, le sommeil sans réveil, cette langue qui peine à murmurer l’avenir, la salive qui vient mouiller les branches et les fleurs du pêcher. On ne va pas très loin, on ne sait pas encore prononcer le coma forcé des peuples. Il nous suffit de nous attarder longtemps autour d’une plante, une couronne impériale dont l’apparition régulière signifiait pour les anciens qu’il était temps de tourner la terre, de refaire les gestes du semeur, d’inventer un nouveau monde, le même toujours recommencé, d’inventer de nouveaux mots, des mots simples et connus, le mot possible, le mot maintenant. J’ai posé ces mots contre un muret de pierres sèches qui soutient depuis longtemps de pâles certitudes, j’ai pensé au courage de ceux qui l’ont dressé, à ce qui est possible maintenant et senti le vertige comme un bégaiement familier ou comme le manque de quelque chose. C’est à cet instant qu’est revenue une chanson avec ses morceaux de monde réel et ses bouts de rêve.

« …et si l’on s’inventait un pays
moi je connais des chemins
où les pierres sont tendres
je connais des prairies des bois
des plantes des fleurs des oiseaux
en avril je te promets nous irons voir
les abeilles dans les ajoncs
les fauvettes et les canards
qui comme les maçons s’y préparent à bâtir maison »