Les canards dans le lit des rivières
invitent au bricolage poétique

Sur le chemin je t’ai rêvée
rivière claire coulant tranquille
sous les vols de canards sauvages
qui repeignent le ciel avec leurs cris.

Tu les invites à s’arrêter dans ton salon
le temps de boire avec toi sur ta méridienne
la belle perle d’indolence,
– voile de peau, doigts de caresses –
un verre de vin de la Loire,
une goulée d’un air limpide
et rouge comme une comptine rassurante.

Quant à moi je ne voudrais pas te déranger.
Je reste assis tout seul dans l’herbe,
je joue à compter les canards,
les yeux dans les lointains en te rêvant rivière,
mon indicible cascadeuse.

Même si je ne compte pas vraiment, je fais semblant
comme il arrive souvent de faire semblant,
par paresse ou bien c’est une façon d’attendre
d’attendre tout court, d’attendre le rien
en comptant quelque chose,
le rien qui viendra bien, même si on triche un peu,
attendre l’éclosion du caneton,
la perspective d’un ciel nouveau
la lumière qui le traverse.

J’attends longtemps une princesse à l’horizon.

La nuit tombée m’a trouvé ivre d’attentes et de comptes.
Un passant a posé sa main sur mon épaule pour s’assurer que je n’étais pas mort d’amour.
Je lui ai dit que j’allais juste dans le lit d’une rivière blonde pour resserrer les boulons des étoiles tombées dans ses draps des fois que si les canards sauvages voulaient s’y arrêter ils puissent poser leurs pattes sur du matériel poétique en bon état et boire un coup tranquilles avant de repartir déplacer des adjectifs ajuster des prépositions et calibrer des adverbes dans l’intangibilité de la lumière.

Le passant a dû penser
que j’étais…

légèrement abstrait.