« Les noces de Monsieur Schnouf » de Cyril C. Sarot, éd. Lamiroy
(https://lamiroy.net/products/les-noces-de-monsieur-schnouf-179)

C’est l’histoire d’un type qui, voyant son reflet, s’imagine important car Directeur de Ressources Humaines d’une entreprise de balais à chiottes qu’il préfère nommer « brosses à toilette » afin de ne penser que positivement les choses comme enseigné dans les manuels de management. C’est une synthèse en vue plongeante mode Ubu de ce qu’on connait trop bien des doctrines managériales mises en œuvre au temps de l’ultralibéralisme et de ce qu’elles produisent de souffrance au travail, avec l’émergence de ces misérables et redoutables personnalités narcissiques fabriquées à partir de logiques de maximisation de la rentabilité, prônant le recours délibéré autant à l’affectif manipulateur pour satisfaire aux exigences de productivité qu’à la destruction des individus par une violence sourde et un mépris sadique de tortionnaires en costume cravate. C’est l’avènement, la mise au pinacle, de ces nouvelles croyances quasi divines en des logiques d’individualisation, d’isolement des gens, de flexibilité, d’adaptabilité, de performance et de rejet (des moins performants), de pression permanente, de contrôle, de vitesse obligatoire, de dépassement de soi et d’effacement de l’être au profit d’une abstraction entrepreneuriale, de combats de chiffonniers pour des conquêtes dérisoires (de parts de marchés), d’anéantissement de la concurrence tout en exigeant à longueur de colloques hypocrites où règne la plus grossière langue de bois de mettre « l’humain au cœur des process ». Bref un monde d’angoisses, de contradictions, d’infantilisation et de régression. Précisément ce monde capitaliste, cauchemar climatisé dans lequel nous nous débattons.
C’est donc l’histoire d’un type, ce Monsieur Schnouf, parangon du parfait petit nazillon (je sais que mettre en parallèle management libéral et doctrine nazi m’a valu des remarques acerbes dans le passé mais je conseille à ce sujet la lecture de « Libres d’obéir, le management du nazisme à aujourd’hui » de Johann Chapoutot ou l’écoute ici :
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/du-crime-nazi-au-management-moderne-une-histoire-commune).
Pourtant cette petite ordure de Schnouf, pleine de suffisance et de morgue, demeure un frère humain fragile et vulnérable quand, pathétique, livide et blanc comme neige, il avoue sa peur bleue de la femme qu’il vient d’épouser. Ainsi, Cyril C. Sarot nous livre un petit conte gloupesque d’entartage malicieux de pompeux cornichon.