Les photos posées sur les bancs de bois

nous ramènent des chants lointains

 

C’est un abri précaire dans le ciel du passé,

la cabane avec son banc de bois et ses clous,

la paillasse et les draps, les crayons de couleur

du sommeil, une mèche de cheveux aimés,

un paquet de tabac trouvé dans une gare

un soir, oublié par un voyageur distrait.

 

On se forge ainsi de quoi garnir une vie,

la fine robe sale des dimanches de famille

que portait dans la cour la petite voisine,

les cahiers illustrés de l’élève appliqué,

les objets bien rangés, les parquets qu’on astique,

la toile cirée jaune, la clé qu’on a perdue,

les certitudes, les « ça passe vite »…

comme disent les vieux les matins de décembre.

 

Et puis cette foutue solitude

et les plaintes silencieuses ou presque des arbres

quand leurs silhouettes amicales se découpent

sur le tableau rose cuivré de l’horizon,

les troncs noueux où grimpent les gamins légers

comme sur des cimes, des soupirs à la dérive

qui ouvrent le voyage, le dédale des routes.

 

On se dit que là-haut sur les branches,

on entendra bien mieux

mourir le chant lointain.