En faisant du rangement de nouvel an, je suis tombé sur ceci :


Je me souviens un vendredi ou samedi soir d’avril 1997 dans le petit village de Durcet en Normandie pour son printemps de poésie chez l’ami Jean-Claude Touzeil. Je venais de publier son « Itinerrance bis » et il m’avait invité au festival qu’il organisait depuis une dizaine d’années.
Ce vendredi ou samedi donc, il y avait de grandes tables joyeuses et fraternelles comme toujours là-bas et je mangeais à côté d’un photographe poète que je ne connaissais pas. C’était René Maltête et j’ignorais qu’il était le génial photographe publié dans la presse du monde entier. Il nous parlait sans façon de ses soirées avec Prévert, Vian ou Brassens. Je me souviens que jeune éditeur vaguement auteur de pas grand-chose, j’écoutais émerveillé avec le sentiment de vivre un moment dont je me souviendrai.
Les photos de Maltête étaient chargées d’humour et de tendresse avec aussi une réflexion existentielle ou quelque chose comme un éclat de mélancolie au fond d’un verre de vin.

Il était aussi poète :
« Arriva de bon matin
un très vieil homme
qui ployait sous le fardeau
fait de balais de bouleau
C’était son boulot d’monter
Tous les lundis au marché
Un par ci
Un par là
Midi le trouve fringant
Transformé, sémillant
– J’ai 20 balais de moins
note-t-il en remballant »
Ce printemps à Durcet, Gérard Pierron était invité comme chanteur de poètes. C’est un des plus grands interprètes de Gaston Couté et un excellent mélodiste (son interprétation des « Mangeux d’terre » est devenue l’hymne du printemps de Durcet). Je me souviens aussi qu’Allain Leprest a écrit des textes qu’il a mis en musique dont ce petit bijou de jeux sur les mots « Où va le vin quand il est bu ? » (Tiens, une piste d’écriture non ?)

« OÙ VA LE VIN QUAND IL EST BU ?
Où va le vin quand il est bu / A Miami à Malibu / Qu’importe les pissotières du monde / Quand le tonneau lâche la bonde / Les saisons s’en trouvent repues / Où va le vin quand il est bu // Quand il est bu où va le vin / Dans un caniveau, un ravin / Il faut bien que ton cœur s’abreuve/ Que la rivière enfante un fleuve / Ce que la Garonne devint/ Quand il est bu où va le vin // Le vin bu sait-on où il va / En Jamaïque ou en Java / Ainsi nos os au cimetière / Il retourne arroser la terre / Comme le raisin en rêva / Le vin bu sait-on où il va // Où va le vin quand il est bu / On pourrait croire qu’il est bu / Au lieu où nos baisers se forgent / Redescendre dans notre gorge / À l’endroit pile où il a plu / Où va le vin quand il est bu //Où va le vin quand il est bu / Me vient un dessin de Cabu / Qui peignait Eugène Bizeau / Né vigneron dans le berceau / Mort à cent cinquante guère plus / Où va le vin quand il est bu // Quand il est bu où va le vin / Le buveur n’est pas un devin / Terres en friche ou terres riches /
Quand on se le trinque on s’en fiche / Moi je m’en fous j’écris des vers / Qui veut le savoir offre un verre »