« Les mots — je l’imagine souvent — sont de petites maisons, avec cave et grenier. » (Bachelard)

Ta maison possède un corps, elle a des yeux, elle a des ailes. Ici se font et se défont des silhouettes qui remuent vaguement tels des mirages de syllabes formant les mots d’une phrase confuse. La charpente tient le temps en respect, les ardoises défient la pesanteur vaille que vaille. Tu rentres et caresse le bois de la table aux profonds tiroirs, le sourire d’un vivant y est gravé à l’opinel numéro 8. Ce sourire te raconte quelque chose sur le vide et la lumière, la chambre où l’on faisait l’amour parfois, l’armoire et les draps empilés avec soin sur des sachets de lavande. Les murs ont bien du mérite de tenir ainsi tout chargés de nuages, de visages avenants quand la ruine toujours menace, la lézarde s’insinue, l’abîme apparaît inévitable, le virus minéral risque la panne générale. Mais la vie malgré tout donne de ses nouvelles comme un tremblement de feuilles, une légère buée sur la vitre, une odeur de café dans la cuisine, le jambon pendu dans la remise, un chant d’oiseau fragile qui ricoche dans les branches du cerisier. Ici le songe et la pensée se rejoignent sur le rebord de la fenêtre ou dans la fumée des voix qui t’appellent.

« Ma maison est un bois, mais c’est presque un jardin
Qui danse au crépuscule, autour d’un feu qui chante
Où les fleurs se mirent dans un lac sans teint
Et leurs images embaument aux brises frissonnantes…» (Barbara)