La clôture était à peine visible

C’est un jeune homme un peu flou
au volant d’une voiture fonçant dans la nuit.
Il a 20 ans, projette de ne jamais travailler.
Il ne sait pas comment aborder les femmes
mais il rêve de toucher l’horizon,
funambule sur le fil des jours
qu’un doigt trace sur le sable.
Tout était là.
Sur le fil électrifié qui marque la limite du pâturage
d’où les bêtes ne doivent pas sortir.

*

Prendre délicatement un écheveau de poussière pour le donner au vent, pousser du bout du pied une feuille morte pour la rendre à la terre, sauver une mouche tombée dans mon café… Je me suis senti plein de bonté aujourd’hui.
*
Ce paysage qui part dans tous les sens avec ses arbres, ses vignes, ses crêtes, les prés et les torrents et mille autres signes dans son ciel, ce n’est que mon regard désorganisé, et c’est tout moi… ceci dit sans prétention bien sûr.
*
Aujourd’hui un arbre m’a poussé dans la main. Ce n’est pas commode pour manger mais on règlera ce problème demain.
*

C’est un morceau de gâteau sec sur le rebord de la fenêtre

Je me souviens à peine
qu’un de mes grands-pères s’appelait Marius.
Bientôt plus personne ne s’en souviendra.
Il était concierge d’une fabrique de spiritueux à Marseille.
Le ciel efface les souvenirs.
Ne fermez pas la porte.
Il reste encore un peu de lumière,
une odeur tenace de lessive de temps anciens
et quelques miettes pour les oiseaux
sur le rebord de la fenêtre.

*

Alors que j’expliquais à une guêpe
intruse d’un festin de marée
qu’elle ne manquait pas d’air
de
s’être introduite dans mon verre
et
d’à présent faire une scène
en se tortillant sur la table
le serveur a demandé :
tout va bien messieurs-dames ?

                                                     Claire Médard, Féminoïde, Gros Textes, 2025