1000 km, ce que ça fait

On a mis de la distance entre nous.
La distance est une poche avec à l’intérieur
du merveilleux et du sinistre,
ce sont ses mots et d’ajouter… comme la vie…
Dans cette distance j’aurais souvent
nettoyé mes lunettes,
feuilleté le spectacle du monde,
tenté d’y voir quelque chose
dans ce théâtre bringuebalant… comme la vie…
rêvé à des corps et des neiges éternelles,
des culs imaginés et des flocons de neige,
guetté le moment où le besoin d’être aimé
s’étale discrètement sur une serviette de plage
en quête d’un langage qui nous rapprocherait
de quelqu’un ou de quelque chose.

*
Heureusement qu’il y a presque toujours dans la vie un événement qui survient et t’empêche de te sédimenter tranquillement.
*
Jongler avec des illusions, mais oui, je ne fais que ça… Enfin je veux dire, le plus souvent les ramasser par terre et recommencer.
*
Un cri d’animal dans la nuit, c’est arrivé, j’essaie de comprendre de quoi il s’agit. Je ne comprends pas, j’ignore quel animal a crié, ni pourquoi. Un cri suspendu dans le vide et l’incompréhension. Un détail pour moi, probablement pas pour l’animal. Et ne se présentera certainement jamais l’occasion d’en discuter plus avant.
*

Ceci n’est pas un titre

Je suivais cet étroit sentier très aérien
depuis plus d’une heures, à flanc de montagne,
juste la place pour les pieds et les pas hésitants,
tenir le vertige en respect…
Quand au détours d’un virage le sentier est coupé
par un névé de neige glacée.
Je vois les traces à peine imprimées
sur quelques mètres en avant
d’un autre randonneur qui a tenté de passer
et fait demi-tour.
Je fais de même.
Tout le poème du jour,
et certainement de bien d’autres fractions de vie,
se retrouve dans ce demi-tour partagé,
la trace ordinaire et commune des échecs consentis.
Pas besoin de titre.

*

je courais et je me courais après
et tout d’un coup je me suis dépassé
et quand j’ai regardé derrière moi
je n’y étais plus
comme je n’espérais pas me rattraper
je me suis arrêté pour m’attendre
mais croyez-le ou pas
je ne me suis jamais rejoins
ce qui fait qu’à la fin
je me suis retrouvé tout seul

                     Claude Seyve, « Chienne de ma vie », Gros Textes, 2000