Ça fait plaisir ou ça rend tout chose d’aller sur un chemin en sifflotant, de tituber légèrement à cause d’une clarté sensible d’un peu de mousse sur un mur, d’embrasser un arbre, Salut vieux, content de revoir tes feuilles, c’est pas vraiment qu’elles me manquaient, non, mais quand même tout ce vert, ça donne de la voix tu crois pas ? Ça fait plaisir ou ça rend tout chose de voir pointer un brin de muguet entre les pierres d’un sous-bois familier et songer à ces vieilles militantes communistes d’avant, avant quoi ?, qui le vendaient ce muguet de coin de rues chaque 1er mai avec l’Humanité du dimanche, tout en caressant tendrement la fourrure de leurs défaites. Et puis ça ferait plaisir maintenant qu’on a bien gouté la solitude d’aller rejoindre une foule qui manifeste pour qu’on lui rende le vieux bonheur qu’elle avait déposé dans l’écorce des routes ou bien simplement mêler sa voix, même de basses fréquences, au chant des hommes. En attendant ce jour, ça fait plaisir ou ça rend tout chose de relire, allongé dans l’herbe à côté d’un unique coquelicot précoce, Le vieux qui lisait des romans d’amour de Luis Sepulveda, et noter deux ou trois citations pour alimenter le blog ce soir :

« C’était l’amour pur, sans autre finalité que l’amour pour l’amour. Sans possession et sans jalousie. »

« Ils aimaient le voir, ils aimaient sa compagnie, mais ils voulaient aussi sentir son absence, la tristesse de ne pouvoir lui parler, et les battements joyeux de leur cœur quand ils le voyaient revenir. »

« Ces chansons-là disaient que l’amour était comme la piqûre d’un taon que nul ne voyait mais que tous recherchaient. »

Et sur le chemin du retour penser au vieux Nazim qui, plus que les hommes, aimait leurs chants (« j’ai pu vivre sans les hommes / jamais sans les chants » Nazim Hikmet) et qu’au creux de leur musique, comme dans un poing serré, germent des graines de courage et d’humble beauté.

Hinech Yafa (tu es belle en hébreux)
« Qui est cette fille qui sort du désert
D’un pays lointain
Portée sur l’aile d’un puissant oiseau,
Venue chez moi? » (Cantique des cantiques)