Il pleut dans la cabane, elle n’est pas étanche.
Il pleut des boules de charbons, de vrais hivers,
des files d’arbres alignés le long des routes
qui s’en allaient à contre-vie quand je rentrais
tout seul le soir, qui s’en allaient d’où je venais
et où probablement j’étais resté dormir,
qui s’en allaient où j’écrivais pour les oiseaux
au temps des feux de bois quand on faisait griller
des rubans de saucisses, des défaites à venir,
des questions en jachère, une corde à l’épaule.

Et j’étais transparent dans ces temps d’amitié,
temps de l’espoir qu’on enfourchait sur nos vélo,
de ces cœurs qu’on gravait avec nos opinels
dans l’écorce du vent petite pierre noire
ou morceau de bois lisse, les cadeaux les noëls
qu’on entasse sur les branches de vergers délaissés.
Les fruits ne se vendent plus aussi bien qu’avant.

Le parfum d’une femme rencontrée par hasard
et gardée comme on retient un air de musique,
ce que l’on peut garder, ces machins ridicules
qu’on accroche aux saisons. Il faut que tu m’apportes
de quoi coudre mes hésitations aux soirs d’été,
la pizza, les anchois, les herbes aromatiques,
les épices du bout du monde, les légumes,
et l’amour comme une ombre frôlée délicate,
le vieux coffre des désirs obstinés, le lilas,
cet air marin au bout du quai et ses embruns.
Il faut que tu m’apportes la trousse de maquillage,
pour souligner les yeux et l’ordre du poème.