Autre chose qui compte de Laurent Deheppe, éd. Donner à Voir (2024)
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C’est fou tout ce qu’on compte, on n’arrête pas, on compte ce qui compte, qu’on voit que ça compte et plein d’autres choses encore. Les ans par exemples, les anniversaires, on est en 2025 et à sept ans on n’était pas doué pour compter et à vingt ans on n’imaginait pas compter jusque-là. À sept ans on regardait fasciné les samares qui tournent dans l’air comme des hélicoptères. On touche à peine la vie, pas besoin de « prendre part au théâtre du monde », mais on y prend part quand même un peu malgré nous, on reste du côté de la fragilité et de l’errance, « Ton cœur tu l’as offert / des centaines de fois / – ça repousse un cœur ». Donc pas de panique, on est serein, on marche paisiblement, à l’écoute des pommes de terre, c’est original, décalé. La poésie de Laurent Deheppe est discrète et généreuse, économe et profonde, dansante, solaire et nocturne, chargée de plis, elle avance à la rame, lentement ou avec des chaussures en nuage, elle nous entraîne dans des brumes précieuses, « l’éveil plutôt que l’ennui ». Elle nous fait voyants de derrière les évidences, dans cet espace d’où surgissent des baleines échouées à la frontière quand un grillon fait passer la lumière sur nos épaules. Vous ne suivez pas ? Il est des évidences en lignes de fuite, des frontières qui glissent dans le café, c’est comme « un sourire, presque rien », de pauvres chiens dans le paysage, un goût de bonheur, un brin de folie. Tu pars en voyage toi ? Au pays des pharaons ? On se retrouve là-bas dans le livre des morts qui se souviennent de la brise sur la plage. On trouve des objets sur le sable, des trucs que les gens ont perdu, souvent les enfants. On les pose sur le muret si des fois quelqu’un… on sait jamais… Passent les oiseaux. On les regarde, on attend. On sait que notre place est la bonne, à côté de l’arbre et de l’ortie, tout ce qui pousse et disparaît, une trace sur le trottoir où il convient de marcher pieds nus pour remonter à la source de l’histoire.
« Tu plantes un arbre il t’arrive aux genoux
glorious day
tous les deux vous êtes à la bonne place »