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« La poésie n’est-elle qu’un supplément d’âme que des littéraires contrariés tentent de traquer entre les hashtags ? » nous demande-t-on d’entrée de jeu. Perplexe je suis allé demander à la mienne de poésie et elle m’a répondu que oui mais je ne suis pas certain qu’elle ait bien compris la deuxième partie de la question. Moi non plus mais c’est pas grave, elle remuait la queue (ma poésie toute fière d’être un supplément d’âme) et on est allé balader dans le jardin sous la pluie en pensant aux roses trémières, braves fleurs humbles et courageuses dont Jacques Darras souligne la force collective, voire prolétaire, et au merle, cet « accident de cuisson générale dans le soleil couchant ». On pense aussi au malheureux hérisson à qui le trafic automobile cause bien du souci, à Emile Verhaeren à qui objectivement, en temps ordinaire, il faut bien avouer on ne pense pas assez et c’est regrettable. Il est mort en 1916 poussé accidentellement sous les roues d’un train. On y pensera peut-être la prochaine fois s’il y a foule sur le quai.

Et à part ça ? Ben il s’agit de calmer les ardeurs des pivoines – ce rouge qui monte si facilement à la tête -, comprimer le temps avec des mots (ça c’est le taf du poète) et discuter le bout de gras avec la tourterelle.

On reste dans le jardin avec Anne Brousseau et ça console en cas de besoin : « D’un jardin de consolation / s’asseoir derrière le noisetier qui se fait vieux / et quelques œillets fanés plus loin / l’heure de mettre en terre / l’automne des chagrins // est-ce que tu rêves aux hivers / à ceux où les paupières se baissent / dans un tissu de neige / c’est le silence que je retiens / calé derrière la vitre / à regarder le froid ».

Un peu plus loin Christian Degoutte évoque la puissance cosmologique et ontologique des pêches, mirabelles, poires et citrouilles, des trucs auxquels on ne pense guère si on n’a pas pris son supplément d’âme dans la poche, mais c’est pas grave relativisent les mirabelles : « – C’est quoi la leçon de vivre qu’elles disent, / les mirabelles ?// Que la vie n’est pas si grave, juste le temps de devenir couleur, d’exploser / dans la bouche de quelqu’un, de le rassasier, / juste le temps d’être de son ventre, / juste le temps d’attendre le corps / irradié par l’intérieur ? »