Et vous chantiez aussi comme on passe les frontières
pâles soleils le vieil hiver en bandoulière
dernière neige sur la baraque effondrée
mais vous tous rassemblés dans la nuit
vous vous acharnez à pétrir la lumière
l’étincelle des regards sur la falaise
cette odeur de regain de poutres de charpentes
de cardamine et de cerfeuil auprès du feu
quand vivre ici tout à coup ressemble
à une idée lointaine qu’on remâche longtemps
comme un morceau de viande qu’on ne parvient pas
à avaler, qu’on ne sait pas où le jeter
et vous chantiez comme on passe derrière la vitre
serrant dans vos poches le petit canif des jours de fête
les lises des pensées les limites du poème
celui qui coule comme un cri dans la vallée
où serpente le chemin que nous avons suivi
à travers les mots là où nous
ne sommes pas vraiment

tout à fait

* Fernando Pessoa